Dossier qualité des soins Impact d’une accréditation sur l’hôpital
Le diamant pour le CHwapi
Delphine Uyttendaele
Dr Gilles Moreau
Brigitte Dubois
E n 2013, le Gouvernement wallon a établi un nouveau « Plan wallon pour la qualité des soins hospitaliers. » En 2015-2016, une des priorités était de « préparer et accompagner le déploiement du processus d’accréditation ». Trois ans plus tard, en juin 2019, le CHwapi (Centre Hospitalier de Wallonie picarde) à Tournai obtenait le niveau Platine de Accréditation Canada International (ACI). Aujourd’hui, c’est le plus haut niveau, le Diamant, qui est affiché à l’entrée.
Au CHwapi, dans ce contexte d'accréditation, Delphine Uyttendaele décrit son rôle en tant que coordinatrice de l’amélioration continue dans les soins : « Il s’agit de coordonner la démarche d’accréditation pour véhiculer des bonnes pratiques en termes de qualité et de sécurité. Nous considérons l’accréditation comme un outil pour booster la culture d’amélioration continue au sein de notre institution »
L’historique
En 2017, le CHwapi se fait accompagner par un organisme extérieur d’accréditation – en l’occurrence Accréditation Canada International (ACI) - afin de développer la culture d’amélioration continue à l’intérieur de l’institution et d’augmenter la qualité et la sécurité des services offerts. L’objectif est d’obtenir un label démontrant la volonté de s’inscrire dans cette démarche. L’hôpital obtient un premier label de niveau Platine et un second contrat conduit à l’obtention du label Diamant en mars 2023.
« Le premier cycle, jusqu’en juin 2019, a permis aux équipes d’appréhender cette méthodologie, de comprendre les critères, de mettre en place toutes les procédures, les politiques, etc. pour arriver à instaurer un socle d’amélioration continue. En entamant le deuxième cycle, nous avions une plus grande maîtrise des attendus pour obtenir le label, avec la volonté de consolider le socle déjà acquis, mais aussi d’aller plus loin, d’ajouter en quelque sorte la cerise sur le gâteau, avec les critères Diamant. »
Un bâton dans les roues ?
« Au moment de nous lancer dans le deuxième contrat, nous ignorions que nous allions vivre 2 années de crise COVID. Il était nécessaire de mobiliser l’hôpital pour chercher un label et, en même temps, de réagir à la crise sanitaire avec les différentes vagues, et cette réorganisation perpétuelle dans nos services. Cependant, les équipes ont directement mis en avant la force de la première démarche d’accréditation. Elle a permis de se remettre en question rapidement afin de corriger et d’améliorer nos processus. Elle nous a aidés dans la réflexion pour prendre les décisions qui s’imposaient dans le cadre de la crise. Que ce soit dans l’ouverture/fermeture de services, mais aussi pour réécrire une procédure rapidement, mettre en place un plan adéquat pour des secteurs spécifiques. Cela a donc laissé des traces positives et une maturité au niveau de nos équipes. »
Changer son fusil d’épaule
Toutefois, après avoir surmonté la crise sanitaire, en partie grâce aux bénéfices du premier cycle, en 2022 le contrôle pour le deuxième cycle approche à grands pas. Pour réinciter les équipes fatiguées à se préparer à cette visite, il fallait garder du sens dans la démarche.
« Nous leur avons alors demandé de travailler les critères qu’elles estimaient avoir le plus de valeur ajoutée pour le patient et pour elles-mêmes, sans se soucier du fait que ce soit pour un certain niveau d’accréditation en particulier. Les choses se sont faites de façon plus naturelle avec moins de contraintes que celles vécues lors du premier cycle. »
Par exemple : un infirmier, intrigué par le fait que certaines personnes quittaient la salle d’attente des Urgences avant d’être vues, a proposé d’en examiner les raisons et de trouver une solution, bien que ce soit un critère du niveau Diamant. « Comme nous ne savions pas ce qui motivait ces patients, nous avons demandé à l’accueil, lorsqu’ils annonçaient leur départ, de leur poser quelques questions sur leurs raisons. Et, en fonction des réponses, par exemple un temps d’attente plus long que prévu, des solutions d’amélioration ont été fixées. Pour l’infirmier, c’était important. Et travailler de cette manière a donné plus de sens aux équipes. »
De plus, un comité d’amélioration continue (une fusion du comité qualité et sécurité, et du comité accréditation) a été mis en place, la finalité étant l’amélioration continue et pas l’accréditation ou le label en soi. Dans ce comité d’amélioration continue, chaque membre pilote un référentiel (un livre de référence de ACI), avec une équipe de référents, accompagnés par des coachs. Ils sont parvenus à s’approprier le référentiel et à mettre tout en œuvre pour faire respecter les critères demandés pour la visite de vérification (audit). Le niveau d’accompagnement a été relativement fructueux, notamment auprès des nouvelles recrues.
L’enjeu de demain
Il importe maintenant de continuer à faire vivre les outils mis en place et de garder en permanence la capacité des collaborateurs de se remettre en question, d’auto-évaluer leur fonctionnement, de se former, de se demander si telle pratique a réellement de la valeur pour les patients et pour eux-mêmes.
Cette évaluation continue se fera « par un management soutenant dans cette dynamique, poussant en permanence les gens à rester en veille et explorer leur possibilité d’améliorer leur flux. L’aspect culturel va surtout être traduit à travers le leadership et le management qui va continuer à accompagner le terrain. Au-delà de l’accompagnement de nos équipes, il y a des audits qui permettent de voir si les pratiques continuent à être suivies, des garde-fous à travers nos indicateurs et nos procédures pour savoir là où il faut corriger. Chaque événement qui se produit se doit d’être une opportunité de réflexion sur ce qui a été mis en place. Un prochain audit sera envisagé lorsque nous serons rassemblés sur le site unique, » conclut Delphine Uyttendaele.
Le vécu du médecin
Le Dr Gilles Moreau, spécialiste en réadaptation cardio-pulmonaire et membre du comité d’amélioration continue, évoque sa perception du trajet d’accréditation.
« En 2017, j’étais relativement nouveau dans le processus hospitalier même. Au début, j’ai trouvé les démarches un peu abstraites, mais elles ont eu essentiellement deux retombées positives pour moi. D’une part, le fait que les choses ont été balisées, éclaircies, documentées, décrites dans des procédures. D’autre part, nous avons dû travailler en équipe pour réaliser tout cela, ce qui a permis de brasser pas mal de gens dans l’hôpital et de se mettre en contact. Le réseau qui a été formé ainsi a été une expérience très positive.
Comme je travaille en indépendant dans l’hôpital, les réunions sont des collaborations consenties plus que des obligations. Le soignant peut le vivre différemment. Ceci dit, il y a eu des réunions de brainstorming très agréables, par exemple, la conception d’une charte éthique lors du premier cycle. Comme le travail est organisé en petits comités, en petits groupes, la charge n’est pas énorme pour la plupart des intervenants. »
Un des axes importants pour le Dr Moreau est le projet « classe thérapeutique » avec le patient, la famille et le médecin, qui est désormais beaucoup plus institutionnalisé, en grande partie grâce à l’accréditation.
« Au début, quand je suis arrivé, beaucoup de cas étaient juste classés NTBR sans être plus étoffés. Quand nous avions un patient dans ce cas, il fallait prendre seul des décisions. C’est un des points à améliorer encore, mais les mœurs ont changé. Idem pour le patient partenaire qui est davantage au centre des soins, de sa propre décision. Les soins ont évolué d’une médecine plus patriarcale vers une médecine plus participative. Une culture avec plus de recul sur ses pratiques est une bonne évolution vers l’objectif d’amélioration de la qualité des soins. »
« Les aspects visibles de l’accréditation sont, entre autres, le développement de l’offre de formation, de nouvelles collaborations avec des partenaires externes, des changements logistiques, des portes de locaux de soins et de pharmacie plus sécurisées et l’organisation des médicaments plus restrictive. Je me doutais bien que notre comité d’amélioration continue allait persister car la volonté de garder le focus sur l’amélioration continue est bien présente. »
Au niveau de la pharmacie hospitalière
La démarche d’accréditation pour obtenir un label permet d’améliorer de manière continue et structurelle les process dans le département pharmacie et, de façon plus générale, au niveau du circuit du médicament, comme nous l’explique Brigitte Dubois, responsable de ce département. « Cela nous oblige à harmoniser nos processus. Toutes nos procédures sont revues. Elles sont également auditées pour s’assurer qu’elles sont connues, appliquées et mises à jour pour s’adapter au terrain, en lien avec notre organisation et nos moyens. »
De plus, la démarche à suivre a été vécue comme un levier pour favoriser les collaborations interdisciplinaires et prendre le temps de se réunir pour en discuter. Il a ainsi été possible de mieux communiquer sur les obligations, légales ou organisationnelles, de la pharmacie et les difficultés rencontrées dans le cas de critères multidisciplinaires nécessitant l’implication d’autres départements.
Toutes les mesures imposées l’ont été à la suite d’un consensus en amont. La législation est importante dans le domaine pharmaceutique et elle doit rester appliquée. Grâce à une ouverture d’esprit et en écoutant les problématiques du terrain, il a été possible d’adapter, à un certain moment, les processus pour répondre à la législation, tout en suivant le référentiel de l’accréditation.
Augmenter le taux de critères validés
Chaque pharmacien a été désigné responsable d’un nombre de critères significatifs du référentiel gestion du médicament. « Il devait les suivre et apporter des solutions ou mettre en place des procédures ou prendre des mesures, et ce, en association avec les autres collaborateurs concernés. Le chef de service de la pharmacie et le pharmacien qualité s’assuraient de la cohérence et servaient de levier lorsqu’il y avait des difficultés. »
Par ailleurs, une communication régulière avec les équipes était aussi mise en place, « c’est-à-dire une communication sur l’avancée et les évolutions positives ainsi que des échanges sur les points d’amélioration vers tous les membres de l’équipe. Nous essayons de voir avec eux ce qu’il était requis de mettre en place pour améliorer les résultats des audits. Au lieu d’être imposée, une procédure est partagée par les collaborateurs impliqués afin de trouver le meilleur compromis et de favoriser l’adhésion des équipes infirmières, médicales et de la pharmacie ».
Le côté post accréditation
« Au niveau de la pharmacie, pour maintenir la qualité, il faut continuer à mesurer, maintenir les audits sur les différentes étapes du circuit du médicament qui va de la prescription à la tarification. Nous avons une démarche maintenant bien intégrée qui se poursuit avec l’analyse de tous les événements indésirables au sein du circuit du médicament. Il y a également une analyse des résultats des enquêtes de satisfaction - patient et collaborateur - pour continuer de répondre aux attentes de tous. »
En mesurant, on se rend également compte de ce qui fonctionne ou non. Cela permet de mettre en place des actions pour améliorer la qualité et la sécurité (formations, sensibilisation, révision des procédures, etc.), ce qui implique une charge de travail et la nécessité de définir ou revoir si besoin les priorités.
« Nous allons bien sûr maintenir les échanges interdisciplinaires pour garder la cohérence entre procédure et réalité du terrain. Cela veut dire que la pharmacie sortira davantage de ses murs pour s’intégrer de manière encore beaucoup plus structurelle dans les unités de soins. D’autre part, parce que je crois que c’est un levier important dans l’amélioration continue de la qualité, il est impératif de poursuivre son investissement dans le développement innovant - que ce soit dans les processus d’automatisation ou de digitalisation - car notre objectif est de libérer du temps pour des activités à plus forte valeur ajoutée, ce qui nous permettra d’avoir encore un meilleur suivi de la qualité des soins », précise Brigitte Dubois.
Abonnement à la Newsletter : Articles et actualités Hospitals.be
Hospitals.be
Association Belge des Hôpitaux
Inscrivez vous à la Newsletter pour recevoir les actualités Hospitals.be
En vous inscrivant à la newsletter vous acceptez de recevoir des infos Hospitals.be