Des indicateurs qualité pour répartir le budget des hôpitaux… vraiment?
En 2024 deux nouvelles caractéristiques du P4P méritent d’être soulignées: l’augmentation significative du budget et l’introduction du taux de mortalité standardisé comme indicateur
Budget hospitalier | Mesurer pour améliorer ou pour financer afin d'améliorer
Quand l'absentéisme met l'hôpital au défi
Denis Herbaux
Directeur PAQS ASBL Clos Chapelle-aux-Champs, 30 Bte 1.30.30 1200 Bruxelles denis.herbaux@paqs.be www.paqs.be
En Belgique, l’organisation du système de santé est complexe. Cette situation résulte en partie de la succession de réformes institutionnelles, mais pas uniquement. Notre modèle de cogestion et de concertation, bien que bénéfique à de nombreux égards, contribue également à cette complexité. Quant au financement de notre système, il est à l’image de son organisation: complexe et peu lisible. Même si de nombreux chantiers ont été lancés pour simplifier les choses, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre l’objectif de simplification visé.
La PAQS propose un accompagnement structuré autour de trois «domaines»: les indicateurs qualité, l’expérience des usagers et l’engagement du personnel.
Comme chaque année, les hôpitaux belges ont reçu leur notification BMF (Budget des Moyens Financiers) le 1 er juillet. Depuis 2018, une ligne relative au P4P (Paiement à la Performance) apparaît dans le BMF.
Le P4P dans le BMF
Le P4P n’est pas un concept neuf. Des programmes de paiement à la performance sont apparus dans de nombreux systèmes de santé du monde au tournant des années 2000. Ils reposent sur une hypothèse simple (voire simpliste): une relation causale existerait entre l’incitation financière et la performance d’une institution de soins. En Belgique, ce système est plus spécifiquement appliqué au domaine de la qualité des soins (paiement à la qualité).
La littérature scientifique révèle une hétérogénéité notable des programmes P4P sur de nombreux aspects, mais surtout une absence d’évaluation pour bon nombre d’entre eux. Lorsque des évaluations sont menées, les résultats montrent que ces programmes apportent, au mieux, des améliorations modestes à court terme. L’incertitude quant à l’impact des programmes P4P est en grande partie due à la difficulté d’isoler ces programmes des autres facteurs influençant la performance. Outre les résultats mitigés des programmes évalués, les études mettent en lumière des conséquences imprévues, notamment lorsque les programmes souffrent de problèmes de conception. Il semble donc primordial que les décideurs s’assurent avant toute chose que les avantages potentiels de l’introduction d’un programme P4P surpassent les risques propres au contexte de déploiement de ce programme.
En Belgique, une telle analyse n’a pas été menée, ce qui suggère que l’introduction du système de P4P relève davantage d’une décision politique que d’une approche scientifique. Et c’est ainsi que depuis six ans, le SPF Santé Publique définit annuellement un ensemble d’indicateurs, dont la composition a varié au cours du temps. Les hôpitaux se voient alors attribuer un budget sur base de leur performance relative à ces indicateurs.
Nouveautés 2024 du P4P
Cette année, deux nouvelles caractéristiques de ce système méritent d’être soulignées.
La première concerne l’augmentation significative du budget alloué au P4P. En 2024, ce budget passe de 6 à 40 millions d’euros. Toutefois, contrairement à d’autres pays, ce budget supplémentaire n’est pas un nouveau financement, mais provient de la sous-partie B2 du budget hospitalier. Cela signifie qu’un hôpital «moins performant» que les autres va perdre de l’argent. Est-ce vraiment judicieux ? Un tel hôpital n’a-t-il pas, au contraire, besoin de plus de soutien?
La seconde est l’introduction du taux de mortalité standardisé comme indicateur. Si personne ne remet en cause la nécessité absolue pour une institution de soins de suivre ce taux et de l’analyser, y compris en se comparant aux autres, utiliser celui-ci comme variable pour déterminer le financement est bien plus problématique. Au-delà de la logique questionnable de pénaliser les «moins bons» abordée ci-dessus, la comparabilité des contextes et la capacité statistique à contrôler les différences existantes sont des enjeux cruciaux et loin d’être résolus.
Les indicateurs sont indispensables, car on ne peut améliorer que ce qu’on mesure. Mais souhaite-t-on mesurer pour améliorer ou mesurer pour financer en espérant que cela induise une amélioration? Cette question mérite réflexion et dépasse la simple rhétorique.
Faire des indicateurs qualité un outil clé
En Flandre, la Déclaration de Politique Régionale de 2009 a donné un coup d’accélérateur à l’utilisation des indicateurs qualité, avec la volonté de faire de la transparence la norme dans le secteur des soins de santé. Cette dynamique a été renforcée en 2017 par la création du Vlaams Instituut voor Kwaliteit van Zorg (VIKZ) qui a pour mission d’identifier, de définir, de calculer et de mettre à disposition du public des indicateurs de qualité. À Bruxelles et en Wallonie, l’histoire est différente. Lors de la création de la Plateforme pour l’Amélioration de la Qualité des Services de santé (PAQS) en 2013, l’accréditation était LE sujet central pour lequel les hôpitaux sollicitaient un soutien. À l’époque, la question des indicateurs qualité n’était que peu abordée. Dix ans plus tard, la situation a considérablement évolué. Lors d’une réflexion stratégique menée par la PAQS il y a un peu plus d’un an, dont l’objectif était notamment d’assurer l’alignement des activités proposées avec les besoins du terrain, une demande unanime a émergé: le besoin de benchmarking basé sur des indicateurs qualité et le soutien à l’amélioration sur cette base. On observe donc une évolution claire de la culture de la mesure.
Cette évolution est liée à de multiples facteurs. L’augmentation de la culture qualité, grâce notamment aux plans Patient Safety du SPF-SP (entre 2007 et 2018) et au déploiement presque généralisé de l’accréditation, y a largement contribué. Les multiples crises que le secteur a traversées ces dernières années ont également favorisé l’adoption d’une gestion plus «data-driven». Enfin, l’apparition ou le renforcement de dispositifs réglementaires basés sur des indicateurs, tant au niveau régional que fédéral, a certainement joué un rôle de catalyseur. On ne peut améliorer que ce qu’on mesure (et qu’on compare). Le secteur en est aujourd’hui pleinement conscient, et exprime une demande pour des avancées significatives sur le sujet.
Soutenir l’amélioration continue des soins de santé en Wallonie et à Bruxelles
La PAQS est une asbl dédiée à soutenir les institutions de soins bruxelloises et wallonnes dans l’amélioration de la qualité des services de santé. Pour accomplir cette mission, nos activités reposent sur trois piliers fondamentaux: Former, Mesurer et Améliorer.
1. Formations: Notre programme de formation vise à enrichir et développer les compétences des acteurs du secteur de la santé, les soutenant ainsi dans leurs démarches d’amélioration continue.
2. Indicateurs: L’amélioration passe par la mesure. Nous travaillons sur trois domaines d’indicateurs: l’engagement du personnel, l’expérience des usagers et l’accompagnement des institutions dans la création d’un tableau de bord «qualité». Ces indicateurs permettent de monitorer et d’améliorer continuellement la qualité.
3. Collaboratifs d’apprentissages: Basés sur le Modèle pour l’Amélioration, ces accompagnements portent sur des thématiques spécifiques définies en collaboration avec le secteur, offrant un soutien sur mesure pour chaque institution.
Pour toute question, n’hésitez pas à consulter notre site web (www.paqs.be) ou à nous contacter via notre formulaire de contact en ligne.
Un rôle réinventé pour la PAQS
Avec la mise en œuvre de sa nouvelle stratégie, la PAQS propose désormais aux institutions de soins un accompagnement structuré autour de trois «domaines» liés spécifiquement aux indicateurs.
Le premier concerne le set commun d’indicateurs qualité publié en 2018 par la PAQS à la demande des autorités régionales bruxelloises et wallonnes. Nous accompagnons les hôpitaux dans la construction d’un tableau de bord «qualité» basé sur ces indicateurs, afin de mesurer, comparer, échanger et améliorer les pratiques. Il est essentiel de noter que ces indicateurs sont, pour la plupart, pris en compte dans des dispositifs réglementaires (actuels et à venir), tant au niveau régional que fédéral.
Les deux autres portent sur l’évaluation de la perception et du vécu des acteurs du système, à savoir les professionnels de santé et les patients. Plus spécifiquement, il s’agit de :
• l'expérience des usagers. Les patients évaluent leur interaction avec le système de santé en utilisant des outils éprouvés tels que le PPE-15 et le PRIM. La PAQS assure l’analyse et accompagne les hôpitaux qui le souhaitent, tout en continuant d’assurer le transfert des indicateurs du P4P pour les hôpitaux concernés.
• l'engagement du personnel (SCORE). Les professionnels de terrain sont au centre de la mesure de la culture de sécurité et de l’engagement, grâce au déploiement de l'outil SCORE au sein des hôpitaux et des maisons de repos. C’est un enjeu majeur pour les systèmes de santé, qui dépendent d’un personnel engagé et motivé pour fonctionner de manière optimale.
En conclusion
L’évolution vers un système de santé davantage axé sur la mesure et l’amélioration de la qualité est indéniable et nécessaire. Toutefois, il est primordial que les outils et les indicateurs utilisés pour évaluer les performances des institutions de soins soient choisis et appliqués avec rigueur et discernement. Le financement basé sur la performance, bien qu’il puisse encourager certaines améliorations, ne doit pas se faire au détriment des hôpitaux les plus vulnérables, qui ont souvent besoin de plus de soutien, et non de pénalités. À la PAQS, nous privilégions donc une approche centrée sur l’auto-évaluation temporelle ainsi que la comparaison et l’échange de bonnes pratiques. Cette approche fondée sur le modèle de l’amélioration continue encourage le suivi de la performance des processus à l’aide d’outils tels que les Run Charts et les Control Charts, incitant ainsi les équipes de terrain à innover pour améliorer les résultats dans le temps. Cela permet au système de santé dans son ensemble de progresser de manière équitable et durable.
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